Raphaël, Quatre continents pour une promesse

 Résumé :

 

Raphaël a passé la majeure partie de son enfance à Angers, dans un pensionnat. A ses neuf ans, sa mère lui dévoile un secret : son père n’est pas celui qu’il croit. Il découvre l’existence d’un marin et d’une curieuse histoire. Dans son dernier souffle, elle lui demande de la venger. Cette promesse restera gravée dans sa mémoire et le conduira, dix ans plus tard, par-delà les océans.

 

En chemin, il rencontrera Hélène Deboisvilliers, L’insoumise de l’île Bourbon ; il découvrira l’amour interdit, mais aussi l’engagement et la loyauté, le travail et l’injustice, son père biologique ... pour s’apercevoir que la clef de son bonheur se trouve dans la résilience.

 

Un nouveau voyage dans les 18e et 19e siècles qui annoncent une révolution des esprits.

 


Roman pour adulte - Version papier


Extraits :

Extrait 1 Chapitre I

Père Guillaume était très grand. Ses épaules se déployaient si largement qu’elles semblaient cacher un autre homme sous sa soutane. Sa voix rauque résonnait. Raphaël, impressionné, se sentait protégé. L’homme reprit le chemin en sens inverse d’un pas toujours lent et régulier, mais en faisant de grandes enjambées. Absorbé par ses pensées, il marchait silencieusement, tandis que le jeune garçon à ses côtés multipliait ses pas, à toute vitesse, pour le suivre. Le prêtre méditait un article du Journal de Paris qui indiquait la venue d’un diplomate américain prénommé Benjamin Franklin. Celui-ci venait solliciter le soutien militaire de la France face aux Anglais pour défendre l’Indépendance des États-Unis d’Amérique. Homme brillant et exemplaire, écrivain, philosophe, scientifique, homme politique, Benjamin Franklin était une icône pour de nombreux intellectuels. Il avait fondé les bibliothèques municipales pour permettre à tous un accès aux livres. Père Guillaume s’était également documenté au sujet de ses formidables découvertes sur l’électricité et plus particulièrement sur la foudre. Il avait pris connaissance de ses précieuses leçons de morale publiées sous forme d’almanach. Il admirait cet homme fascinant, cette âme pure, capable d’aimer les siens, les autres, le monde qu’il épousait avec une grande simplicité.

 

Extrait 2

 Parvenu dans la salle de récréation dans laquelle se dressait un billard tout entouré de jeunes garçons, comme une ruche entourée d’abeilles, Père Guillaume adressa un regard bienveillant et interrogateur à Raphaël qui lui fit signe, avec le même silence, que tout irait bien et qu’il pouvait rejoindre ses camarades. Bien entendu, le prêtre, habitué aux chamailleries d’enfants, n’était pas dupe. Cependant, il avait à cœur de laisser chacun de ses élèves trouver sa place au sein du groupe, d’autant qu’ils arrivaient à un âge où les garçons avaient besoin de se mesurer les uns aux autres pour s’affirmer et se réaliser en tant qu’hommes. Cela restait de simples discordes d’enfant sans grande importance ni danger. Il faisait confiance à leur bon sens, pour retrouver le chemin de la morale chrétienne et s’assagir par leur propre volonté. Père Guillaume ne s’inquiétait pas de l’incident en lui-même, mais plutôt de la souffrance éprouvée par le jeune Raphaël, dont la cause était bien ailleurs…

 

Extrait 3

         Plus encore qu’à Angers, les tulipes des bois parcouraient les allées. Les embruns marins, transportés par le vent, venaient s’y déposer. Ce jour-là, il ne pleuvait pas. Raphaël se remémora les multiples sauts à pieds joints qu’il faisait sur ce chemin lorsqu’il était enfant et lorsque sa mère l’emmenait voir sa grand-mère. Ce souvenir intense absorba ses pensées comme s’il avait eu lieu la veille. Plus loin, une petite ferme fermait le passage. Raphaël accéléra le pas en sa direction. Lorsqu’il y parvint, une vieille dame, qui se tenait sur le pas de sa porte, l’interpella.

 

- Hé mon garçon ! que viens-tu faire ici ? Tu es perdu ?

- Je cherche quelqu’un ! s’époumona Raphaël en lui faisant signe de s’approcher.

 

Celle-ci s’avança jusqu’au portail.

 

- Bonjour Madame, reprit Raphaël plus poliment, je cherche une famille qui habitait ici, enfin du moins une des filles de cette famille, pourriez-vous m’aider, s’il vous plaît ?

- De qui s’agit-il ?

- Catherine Duval. C’est ma tante. Savez-vous où elle habite à présent ?

- Tu es le fils de la Sabine ! s’exclama la vieille dame.

- Euh … oui, répondit Raphaël stupéfait. Sans se décourager ni se vexer de la familiarité de son interlocutrice, il répéta :

- Savez-vous où se trouve ma tante ?

- La Catherine ? Houla ! elle est partie avec le fils Martin, il y a pas mal d’années maintenant … va savoir où ils se trouvent ! En revanche…

- Oui ?

- Je connais peut-être quelqu’un qui pourra te renseigner.

- Dites-moi.

- Il te faut aller au Havre. Un certain Noé Brandicourt y tient une imprimerie. C’est un cousin au fils Martin. Il devrait pouvoir te renseigner.

- Très bien, je vous remercie Madame.

- Avec plaisir mon garçon !

 

Tandis que la vieille dame volubile continuait à marmonner, Raphaël leva le bras pour la remercier, tout en s’éloignant rapidement. Il récupéra une voiture en direction du Havre dans l’allée principale du bourg.

Extrait 4 Chapitre III


Parvenu enfin au terme de son voyage, après moult arrêts et compagnons de fortune, après avoir sillonné de vertes campagnes, après avoir rencontré de nouveaux aubergistes, Raphaël déposa ses valises sur le seuil d’une maison bâtie en grosses pierres de taille de grès rose et recouverte d’un toit d’ardoises. Tout autour de ce village, des collines arborées ou bien juste recouvertes d’un tapis de verdure encerclaient les lieux d’un mouvement régulier, comme si la nature avait posé là, sans plus de prétention, son empreinte, composée de chênes et de châtaigniers, de frênes, de charmes, de grands sapins douglas et de vertes prairies. Le soleil venait de se lever derrière un de ces dômes. Le silence murmurait aux oreilles du jeune homme, comme une voix apaisante, lui indiquant qu’il était arrivé et que tout allait bien se passer. Yssandon, petit bourg de la Corrèze, lui offrait un nouveau refuge.

 

La porte de la chaumière, devant laquelle Raphaël s’était posté, s’ouvrit soudainement.

 

-          Adiu ! Qu'es quò ? lui demanda un homme d’une voix bruyante.

 

-          Je…je cherche Catherine Duval.

 

-          La Cathie ? Ah mon bon Monsieur, faut descendre plus bas dans le creux d’la vallée ! désigna-t-il en tendant le bras.

 

L’homme en bras de chemise, portait des frusques de toile épaisse, difformes et souillées, tombant sur des sabots boueux. Un chapeau noir à large bord finissait sa tenue. Raphaël, intimidé par son imposante carrure et ses manières rustres, osait à peine porter les yeux sur lui. L’homme n’ajouta pas un mot. Raphaël pivota discrètement en le remerciant de la main.

 

Ce village ne ressemblait en rien à ce qu’il avait connu auparavant. La pierre de couleur ocre, terre de Sienne, presque incarnat semblait s’illuminer sous les rayons du soleil. Les toits de tuiles noirs ou recouverts de chaume marquaient un vif contraste. Tandis que ces maisons s’inséraient dans une végétation dense et ordonnée, Raphaël s’imprégnait de l’apaisement que lui procurait ce lieu. La masure que l’homme lui avait désignée était plantée dans la vallée, isolée, à l’écart du village. Il lui fallait descendre un sentier d’une bonne lieue pour l’atteindre. Elle semblait écrasée sous le poids du temps. Ses quelques pierres amassées formaient un improbable édifice défiant les lois de la physique.

 

La Catherine apparut sur le seuil de son abri. Vêtue d’une grande robe noire rehaussée d’un tablier gris à rayures, elle affichait l’austérité des femmes responsables et terriblement seules face aux difficultés de la vie. Elle avait eu trois enfants. L’aîné, Antonin, avait connu son père. Sa cadette ne s’en souvenait guère et la petite dernière n’était pas encore née lorsqu’il fut emporté par la terrible fièvre qui avait décimé une partie du village. Il y avait tant à faire pour subvenir aux besoins de cette famille ! Catherine accueillit Raphaël comme si le ciel l’envoyait. Elle économisa ses mots, lui désigna l’entrée et tous deux s’engouffrèrent dans ce lieu de misère. L’odeur d’humidité imprégnait l’espace. La suie de la cheminée s’était répandue sur chacun des murs. Les enfants, maigres et sales, étudiaient Raphaël, intrigués. Le jeune homme comprit aussitôt ce qu’il venait faire au sein de cette famille. Il était attendu comme le messie. Cathie lui servit une soupe tiède dans laquelle quelques légumes flottaient discrètement. Il manquait tant de choses !

 


ISBN : 978-2-9558927-3-2

Dépôt légal : août 2019

 

Couverture illustrée par Gaëlle Bigoni